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Développement d’un procédé d’extraction verte pour la valorisation des lies de vin blanc

Le dioxyde de soufre (SO2) est l’intrant le plus employé en œnologie. De par les problématiques sanitaires liées à l’assimilation du SO2, les pratiques œnologiques ont évolué afin de réduire les teneurs en sulfites dans les vins. De nombreux travaux ont été réalisés proposant des voies alternatives chimiques, biologiques ou physiques pour garantir la stabilité microbiologique et organoleptique des vins. Toutefois, à ce jour, aucune stratégie, aucune substance n’est en mesure de remplacer l’emploi du SO2, compte-tenu de son large spectre d’action (antioxydant et antiseptique). Surtout, le remplacement de son action antioxydante reste un challenge (Lisanti et al., 2019). Dans ce contexte, l’étude de produits alternatifs à capacité antioxydante permettant de réduire les doses de SO2 est un enjeu de taille pour la filière œnologique. Parmi les industries des boissons, la production de vin est une des plus importantes en termes de volume et valeur économique. Les derniers chiffres évaluent une production mondiale de vin égal à 279 millions d’hectolitres, dont le 50 % essentiellement en Italie, France et Espagne. La production de vin génère une quantité importante de déchets : 100 tonnes de raisin produisent environ 20 tonnes des différents sous-produits. Les marcs de raisin représentent 60% de ce total, les lies de vinification 25% et les rafles 14%. L’ensemble de ces effluents se caractérise par une importante concentration en matière organique (Demande Biochimique en Oxygène) et dont le rejet dans le milieu naturel a un impact environnemental fort. Dans un contexte d’économie circulaire, la valorisation de ces co-produits a un intérêt fort car elle permettrait d’améliorer l’efficacité économique et environnementale de la filière œnologique. Si des stratégies ont été proposées pour la récupération et valorisation des marcs de raisin et les rafles (Devesa-Rey et al., 2011 ; Ruiz-Moreno et al., 2015), l’intérêt porté aux lies est beaucoup moins important. Seulement quelques études proposent des stratégies de valorisation de lies de vinification en rouge pour l’obtention de molécules (polyphénols et polysaccarides) d’intérêt alimentaire et pharmaceutique (De Iseppi et al., 2020, Jara-Palacios, 2020). Les lies sont définies comme étant « le résidu boueux se déposant dans les récipients contenant du vin après la fermentation ou lors du stockage de celui-ci, même séchées ». Malgré les stratégies proposées pour la récupération de l’éthanol, de l’acide tartrique ou des polyphénols (Cortes et al., 2019), très peu d’étude sont concerné la valorisation de leur fraction solide qui est composée surtout de résidus de biomasse levurienne : protéines, peptides, polysaccarides, lipides (Fornairon-Bonnefond et al., 2001 ; De Iseppi et al., 2021, Hwang et al., 2009). Les propriétés attribuées aux lies en œnologie sont en lien avec leur impact positif sur les qualités gustatives du vin lors de l’élevage. Plus précisément l’effet majeur observé sur les vins blancs est la diminution des phénomènes d’oxydation en lien avec la préservation du glutathion (Lavigne et al., 2007) ainsi que l’amélioration de la rondeur en bouche due au relargage des peptides à saveur sucré (Thèse A. Marchal 2010, Thèse A. Lèger 2020). Dans le cas des vins rouges, la composante polyphénolique et aromatique du vin est améliorée par la composante colloïdale (mannoproteines) des lies qui permettrait de stabiliser les molécules impliquées dans la couleur et l’astringence des vins (Escot et al., 2001). A la lumière de l’intérêt prouvé des lies sur leur capacité de protéger le vin des phénomènes d’oxydation, ce projet vise à valoriser ce coproduit via le développement et l’optimisation d’un procédé d’extraction de produits à capacité antioxydante. Le projet ValoLies présente ainsi un double intérêt : 1- valoriser un co-produit de la filière vinicole actuellement peu valorisé : les lies de vin blanc 2- obtenir des produits de haute valeur ajoutée à capacité antioxydante permettant de réduire les doses de sulfites utilisées lors de l’élaboration du vin

2021 - RECHERCHE - RSE VITICOLE : Développement d’un procédé d’extraction verte pour la valorisation des  lies de vin blanc
2021 | RECHERCHE - RSE VITICOLE

Date

Lancement : 2021

Informations

Porteur du projet : Université de Bordeaux, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, Unité de recherche œnologie, EA 4577,USC 1366 INRA IPB

Correspondant technique : Claudia Nioi

Objectifs à atteindre

Ce projet vise à valoriser les lies de vinification en blanc par procédés ecoresponsables. Les lies représentent le deuxième sous-produits le plus abondante de la filière vinicole. : 25 % après les marc de raisin (60 %). Actuellement elles sont employées par les distilleries pour la production d’eau de vie. Bien que leur caractérisation chimique reste incomplète, des études montrent  qu’elles  présentent  une  capacité  antioxydant de par  la  présence des  molécules peptidiques tels que le glutathion [1]. Elles sont souvent employées en vinification pour l’amélioration  des  caractéristiques  organoleptiques  du  vin  [1, 2] et  elles  assurent  une protection de l’oxydation des composés aromatiques du vin [3]

Résultats attendus

Le premier objectif de ce projet est de développer un procédé d’extraction éco-durable. L’extraction c’est une étape critique pour la récupération et l’isolement de composés d’intérêt. L’extraction par solvant est l’approche classique mise en œuvre pour l’extraction des composés issus des matrices complexes. Ceci présente le désavantage d’une consommation importante de solvant organiques et donc un impact négatif sur l’environnement ainsi que des problématiques de sécurité pour les opérateurs lors de la mise en œuvre du procédé à grande echelle. L’emploi des fluides supercritiques est une stratégie d’extraction de molécules à haute valeur ajoutée qui montre des performances très intéressantes en termes de productivité, coût et impact environnemental (Mustafa et al., 2011). L’eau à l’état sous-critique (température comprise entre 100-250°C et une pression supérieure à 15 bar) présente une constante diélectrique de 27 (elle est de 80 à 25°C et à pression atmosphérique), donc proche de celles des solvants organiques. La modification de la polarité de l’eau est accompagnée d’une augmentation de la vitesse de diffusion dans le milieu liquide et donc de meilleures performances d’extraction. Dans le cadre de ce projet, une étude sur la possibilité d’extraire de composés à capacité antioxydante à partir de lies par eau sou-critique sera menée. Un plan d’expérience pour évaluer l’impact des paramètres d’extraction sur la capacité antioxydante des extraits sera l’approche choisie. En effet la Méthodologie d’optimisation de Surface de Réponse (MSR) est une approche intéressant pour déterminer les conditions opératoires optimales avec un nombre réduit d’expérimentations. Les paramètres étudiés seront choisis sur la base d’expérimentations déjà conduites au laboratoire. Il a été montré que le ratio solide/liquide, la température et le temps sont les paramètres les plus influents. L’impact de la pression ne sera pas étudié car les résultats préliminaires montrent que ce paramètre est négligeable. Ceci est en accord avec la bibliographie (Aliakbarian et al. 2012). L’emploi de la MSR permettra de mettre en évidence l’interaction entre les facteurs étudiés et de quantifier leur impact sur les propriétés des extraits. Les critères (réponses du MSR) étudiés seront la capacité antioxydante des extraits par évaluation de la capacité antiradicalaire (méthode DPPH) et de la capacité à consommer l’oxygène (suivi direct et continu de l’évolution de la teneur en O2 par photoluminescence). Une extraction en milieu conventionnel éthanol/eau (50%) sera mise en œuvre afin de comparer les performances de productivité de l’extraction par eau sous-critique. Dans un second temps, en vue d’envisager une possible application œnologique, une étude sur l’impact des extraits obtenus sur une solution modèle de vin sera menée. Pour ce faire, l’extrait obtenu dans les conditions optimales défini par MSR sera intégré dans une solution modèle de vin contenant les molécules impliquées dans les phénomènes d’oxydation : 12% alcool, acide tartrique à 5 g/L, pH 3.5, acide gallique à 5 mg/L, Fer à 3 mg/L, cuivre à 0.3 mg/L et O2 à saturation (environ 8.5 mg/L). Une dose de 100 mg/L d’extrait (dose employée pour d’autres produits commerciaux antioxydants) sera ajoutée dans la solution modèle et l’évolution de la consommation d’O2 sera suivie. Cet essai sera comparé à une solution modèle en présence d’antioxydants conventionnels (SO2, dérivés de levures, tanins) et sans aucun antioxydant (témoin). A l’issue de ce stage nous souhaitons 1/montrer la faisabilité de l’extraction de composés à pouvoir antioxydant (capacité antioxydante comparable à celle des produits du commerce) par eau sous- critique et 2/proposer un outil numérique capable de prédire l’impact des paramètres opératoires sur les performances d’extraction. La possibilité d’employer l’eau sous-critique pour l’extraction de composés à haute valeur ajoutée permettra de réduire l’impact économique et environnemental de la filière œnologique via la réduction d’effluents à forte DBO (demande biochimique en oxygène) et la production d’addictifs pour la préservation de la qualité du vin, limitant ainsi la réduction d’intrants (SO2). Par ailleurs, dans le cadre de la production d’addictifs alimentaires, l’élimination des résidus de solvant après les étapes d’extraction est indispensable. L’emploi de l’eau sous-critique permettra de s’affranchir de cette étape, réduisant ainsi les coûts de production des biomolécules d’intérêt. Le procédé employé permettra ainsi de répondre à l’ensemble des enjeux industriels actuels dans le cadre d’une production d’antioxydants à plus grande échelle (Figure 1). A plus longue terme le procédé pourrait être aussi étudié pour l’obtention d’autres molécules d’intérêt, outre que des antioxydants, avec une application œnologique. Ce volet s’inscrit dans un contexte de bioraffinerie plus large de valorisation globales des molécules issues de lies. A ce jour un stage de 3 mois a été conduit au sein de notre laboratoire et il a permis de montrer que l’extraction par eau sous-critique a une productivité comparable, voir améliorée, à celle par extraction conventionnelle (éthanol). Il a été aussi observé que les paramètres les plus influents sur l’extraction sont la température et le ratio solide/liquide. L’évaluation de la capacité antioxydante par DPPH a permis de monter que les extraits ont une capacité antiradicalaire comparable à celle d’autres produits commerciaux employés en œnologie (tanins et extrait de sarments). Ces résultats sont encourageants pour poursuivre ces activités de recherche. Figure 1 : Représentation des objectifs du projet ValoLies proposé. Références Aliakbarian B., AliFathi A., Perego P., Dehghani F., 2012. Extraction of antioxidants from winery wastes using subcritical water, The Journal of Supercritical Fluids, Volume 65, Pages 18-24. Cortes A., Moreira M.T, Feijo G., 2019. Integrated evaluation of wine lees valorization to produce valueadded products. Waste Management 95, 70-77. De Iseppi A., Lomolino G., Marangon M., Curioni A., 2020. Current and future strategies for wine yeast lees valorization. Food research International, 137. De Iseppi Alberto, Marangon Matteo, Vincenzi Simone, Lomolino Giovanna, Curioni Andrea, Divol Benoit. A novel approach for the valorization of wine lees as a source of compounds able to modify wine properties., 2021. LWT, Food Science and Technology,136.

Actions à réaliser

Détailler les différentes actions à réaliser, le planning de réalisation et le détail des partenaires engagés sur chaque action. Le stage de recherche se déroulera au sein de l’Axe Qualité et Identité du vin de l’Unité de Recherche Œnologie de l’ISVV. Les différentes actions à réaliser sont :

Tâche 1 : Optimisation de l’extraction par eau sous-critique

  • Plan d’expériences (réseaux de Doehlert) : environ 25 expériences au total
  • Paramètres étudiés : ratio solide/ liquide, température, temps d’extraction. Critères ciblés : activité anti radicalaire (DPPH) et cinétique de consommation d’O2 (suivi par oxymètre)
  • Extracteur : Dionex ASE 350
  • Lies : lies de fermentation alcoolique, après débourbage de vins blancs (Sauvignon Blanc, millésime 2019, Château Couhins, AOP Pessac-Léognan, France). Levurage Zymaflore ®X5 (Laffort, Floirac, France). Les lies sulfitées seront lyophilisées au laboratoire.
  • Comparaison des performances d’extraction par eau sous-critique avec une extraction conventionnelle (solvant organique)

Tâche 2 : Etude de l’activité antioxydante de l’extrait sélectionné (meilleure capacité antioxydante) en milieu modèle vin

  • Sélection de 3 extraits : faible, moyen et haut pouvoir antioxydant, déterminé par plan d’expériences
  • Suivi de la cinétique de consommation d’O2 en milieu modèle du vin : 12% alcool, acide tartrique à 5 g/L, pH 3.5, acide gallique à 5 mg/L, Fer à 3 mg/L, cuivre à 0.3 mg/L et O2 à saturation (environ 8.5 mg/L).
  • Comparaison des cinétiques de consommation d’Oxygène de l’extrait des lies avec celles de produits antioxydants conventionnels (SO2, tanins, dérivés de levures, extrait de rafles).