La capacité à évaluer, par une approche simple et rapide, les composés oxydables dans les moûts et les vins est essentielle pour la mise en œuvre de stratégies efficaces visant à réduire le risque d'oxydation précoce des vins blancs. La prise de décisions commence dès le pressurage, opération qui donne lieu à un fractionnement des jus en Champagne et dont les conséquences sensorielles seront perceptibles tout au long du cycle de vie du vin.
Lancement : 2021
Porteur du projet : Université de Reims Champagne-Ardenne
Correspondant technique : Richard Marchal
La capacité à évaluer, par une approche simple et rapide, les composés oxydables dans les moûts et les vins est essentielle pour la mise en œuvre de stratégies efficaces visant à réduire le risque d'oxydation précoce des vins blancs. La prise de décisions commence dès le pressurage, opération qui donne lieu à un fractionnement des jus en Champagne et dont les conséquences sensorielles seront perceptibles tout au long du cycle de vie du vin.
Néanmoins, la littérature scientifique et technique montre que nous ne disposons que de fort peu d’informations sur
Nous attendons de ce travail qu’il permette aux vinificateurs une meilleure gestion du fractionnement au pressurage des moûts, en fonction des conditions météorologiques au moment de la vendange et des caractéristiques des raisins et des moûts. En Champagne viti-vinicole, le fractionnement des moûts se fait depuis des décennies très majoritairement sur la base de 80% du volume total de qualité jugée supérieure appelé « Cuvée » et de 20% de jus moins qualitatifs appelés « Tailles ». Néanmoins, ce fractionnement, volumétrique et invariable, ne prend pas en considération l’impact du millésime sur la qualité des jus. Or, notamment en raison du réchauffement climatique, de nombreux vinificateurs estiment aujourd’hui que ce fractionnement volumétrique, appliqué de manière systématique, n’est plus adapté à la production de vins de qualité. Cette étude propose le suivi très précis, tout au long du cycle de pressurage, de 18 paramètres caractérisant le moût (voir la liste dans la section « Actions à réaliser ») afin de bien comprendre quand et comment se met en place le changement qualitatif marqué au cours du pressurage. Ces mêmes paramètres seront estimés au niveau des vins produits avec les différents moûts isolés au cours du cycle de pressurage. Pour les vins, une attention particulière sera portée aux indices d’oxydabilité des moûts et des vins et à la composition phénolique fine des vins. En effet, cette sensibilité des moûts à réagir avec l’oxygène se traduit, au niveau des vins, par des dommages oxydatifs modérés ou au contraire marqués. De plus, ce caractère oxydé vins jeunes continuera à évoluer dans le temps. Ces niveaux d’oxydation des vins, estimés par voltamétrie et sensoriellement, devront être en partie expliquer par l’analyse fine de leur composition phénolique par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS). Le but de cette double approche, analyse des moûts/analyse des vins de base, permettra de voir quels sont les paramètres analytiques peu, moyennement et fortement corrélés. Ces calculs de corrélation se feront pour les paramètres des moûts, pour les paramètres des vins, et pour l’ensemble des paramètres moûts + vins. En parallèle de cette approche instrumentale, tous les vins seront dégustés afin d’estimer certaines de leurs caractéristiques sensorielles, et notamment leur niveau d’oxydation et leur potentiel de vieillissement. Cette approche permettra de voir si les deux concepts sont distinctement séparés dans l’esprit des dégustateurs champenois. L’ensemble de ces résultats permettra, dans une troisième approche, de voir les possibles corrélations entre profil sensoriel des vins – caractéristiques des vins – caractéristiques des moûts. Ces calculs de corrélations permettront de préciser le.s paramètres du moût le.s plus capable.s de prévoir le comportement du vin en terme d’oxydation au cours du temps. Ainsi, en se basant sur l’évolution de 1 à 3 paramètres lors d’un cycle de pressurage, il devrait être possible de suivre les sauts quantitatifs des moûts, lesquels se traduiront par des sauts qualitatifs au niveau des vins. Livrables Transférables (méthodes d’analyses, OAD, …) Adaptation en ligne d’une méthode permettant de gérer le fractionnement des moûts sur la base de paramètres mesurés en continu. Suivi du vieillissement des vins issus du fractionnement par la mesure de leurs indices d’oxydabilité. Aide à la gestion de mise en réserve des vins de base destinés à la prise de mousse. Appliqués (articles techniques, plaquettes, …) Article à destination des œnologues et article de vulgarisation dans une revue technique permettant au plus grand nombre de voir en quoi ces résultats peuvent aider les vinificateurs lors de l’étape du pressurage et pour la gestion des vins de réserve. Fondamentaux (articles scientifique, thèse, rapport …) Rapport, à l’attention du Fonds de dotation des Œnologues de France, reprenant l’ensemble des travaux conduits dans le cadre de ce financement sur le sujet proposé.
Les essais de fractionnement au pressurage seront mis en place dans 3 centres de pressurage, sur des pressoirs à membrane de 8.000 et 12.000 kg. Les moûts étudiés viendront uniquement de raisins de Pinot noir et Pinot meunier provenant de 3 sub-régions de la Champagne viti-vinicole. Au total, les moûts issus de 4 pressurages seront étudiés. Cela représentera un total d’environ 90 moûts qui seront débourbés et mis en fermentation alcoolique pour produire 90 vins. Ces vins seront également analysés. 4 FONDS DE DOTATION DES ŒNOLOGUES DE FRANCE 21-23 rue de Croulebarbe – 75013 PARIS Tél : 01 58 52 20 20 FONDSDEDOTATION@OENOLOGUESDEFRANCE.FR Il est préférable, dans un premier temps, de ne pas multiplier les variables et de se limiter à l’analyse des jus de Pinots (noir et meunier). Les jus de Chardonnay ne seront pas abordés dans cette étude. En choisissant de ne travailler qu’avec des raisins noirs, nous serons, avec 4 essais, non seulement en mesure de bien suivre l’évolution des caractéristiques d’un moût au cours du pressurage, mais aussi de voir la variabilité au sein de la famille des Pinots. De manière concrète, les essais consisteront en un suivi très précis des caractéristiques de moûts tout au long du cycle de pressurage. Selon que le cycle complet comportera 4 ou 5 serres, le nombre d’échantillons (moûts) prélevés par pressurage sera compris entre 20 et 25. Les paramètres suivis sur moûts seront : pH, acidité totale, maturité, acide gluconique, oxydabilité (composés facilement oxydables et composés oxydables totaux), la couleur (L*, a*, b*, A420, A520), acides malique et tartrique, turbidité, potassium, calcium, azote ammoniacal, azote assimilable, sucres fermentescibles. Une partie des mesures sera directement réalisée au moment du prélèvement des jus (paramètres de couleur, pH, conductivité, oxydabilité) et les autres paramètres seront analysés en laboratoire après débourbage. Ces mêmes paramètres seront estimés au niveau des vins produits avec les différents moûts isolés au cours du cycle de pressurage. La détermination de la composition phénolique des vins se fera par la technique la plus appropriée et la plus fine pour répondre à cette question, à savoir la LC-MS. La dégustation de tous les vins est prévue afin d’estimer leur niveau d’oxydation et leur potentiel de vieillissement. Concernant plus précisément l’oxydabilité des moûts et des vins : La teneur totale en composés phénoliques d’un vin blanc est souvent exprimée en mg/L d'équivalent d'acide gallique, en corrélation avec l'indice de Folin-Ciocalteu (cette méthode fait partie du Recueil International des Méthodes d’Analyses de l’OIV). Depuis quelques années, plusieurs équipes se sont lancé le défi de les analyser par une autre technique : l'électrochimie. Celle-ci permet de "comptabiliser" une quantité d'électrons échangés lorsqu'un composé est oxydé de manière forcée en modifiant le potentiel d'une électrode à l'aide d'un générateur. Plus le potentiel de cette électrode est faible, plus les composés facilement oxydables réagissent. Une augmentation progressive du potentiel permet alors de balayer toute une gamme de composés qu'il est possible de classer en fonction de leur aptitude à s'oxyder. La société Vinvention a développé un potentiostat, le NomaSense PolyScan P200 basé sur une analyse par voltamétrie de balayage linéaire et a fait le choix de rassembler ces composés en deux groupes : les composés facilement oxydables et les composés oxydables totaux (qui englobent le groupe des facilement oxydables). Depuis maintenant deux vendanges dans le vignoble champenois, le Laboratoire d’Œnologie de l’Université de Reims Champagne-Ardenne tente de comprendre, en utilisant cette méthode électrochimique, l'extraction de ces composés polyphénoliques oxydables au cours du fractionnement au pressurage. A l'aide de l'appareil NomaSense PolyScan P200, nous avons ainsi pu montrer qu'il existait une évolution très importante de leur extraction au cours d’un cycle complet de pressurage. Cependant, l'utilisation des seules valeurs (composés facilement oxydables et composés oxydables totaux) est trop restrictive. Au travers de nos premières études (vendanges 2019), l'exploitation des courbes intensité-potentiel (voltamogrammes) montre que l'extraction de composés oxydables est de plus en plus importante au cours du pressurage quels que soient les cépages, mais que ce ne sont pas forcément les mêmes composés qui sont libérés. A titre d'exemple, la figure 1 montre les courbes brutes obtenues au cours du pressurage de raisins de Pinot noir, pour les paliers 3 (début de cycle) et 27 (fin de cycle). La comparaison des deux courbes montre non seulement une nette augmentation de la quantité globale de polyphénols extraits au cours du cycle de pressurage, mais elle montre également que l'augmentation des composés faiblement oxydables (ceux obtenus aux forts potentiels) est plus importante. Figure 1 (Voltamogramme de Pinot noir) Notons également, pour tous les essais conduits en 2019, une baisse des composés facilement oxydables (EasyOx) après chaque retrousse (étape de décompactage du marc), donnant ainsi une allure en dents de scie de leur évolution au cours d’un cycle de pressurage (Figure 2). Figure 2 (Evolution des composés facilement oxydables) Cette double approche, analyse des moûts/analyse des vins de base (sensorielle et instrumentale), permettra de voir quels sont les paramètres peu, moyennement et fortement corrélés. Ces calculs de corrélation se feront pour les paramètres des moûts comparés 2 à 2, pour les paramètres des vins comparés 2 à 2, et pour l’ensemble des paramètres moûts + vins comparés 2 à 2. Le but final de cette étude est bien d’évaluer les sauts quantitatifs des moûts pour prévoir les sauts qualitatifs observés au niveau des vins produits à partir de moûts « fractionnés » au pressurage, c’est à-dire physiquement séparés dans des cuves différentes. A l’issue de cette étude qui est prévue avec le millésime 2021, nous chercherons à adapter en cuverie un système qui permettra d’automatiser le fractionnement qualitatif en se basant sur des mesures en ligne d’un ou de plusieurs paramètres indiquant des changements de qualité du moût. Ces travaux seront bien sûr transposables à tous les vignobles où la pratique du fractionnement au pressurage existe ou se développe. Ces différentes approches, à mener cela va sans dire sur plusieurs millésimes, contribueront à comprendre le vieillissement des vins de Champagne, question de plus en plus d’actualité en raison du changement climatique qui s’opère. Ce changement engendre des comportements nouveaux dans une région de moins en moins septentrionale et où des vieillissements prématurés apparaissent de plus en plus fréquemment. Il est donc important de les comprendre afin de pouvoir agir et prendre les décisions œnologiques nécessaires dès le pressurage. Dans le cadre de l’étude proposée, nous tenterons de voir dans quelle mesure l’estimation de l’oxydabilité des moûts et des vins par une méthode électrochimique, méthode rapide, peu coûteuse et facilement adaptable en ligne, permet d’apporter des éléments de réponse à cette question. La problématique est d’autant plus complexe que les vins de Champagne résultent, pour la plupart, d’assemblages de vins de base provenant de plusieurs millésimes, lesquels présentent des compositions et des concentrations notablement différentes en composés oxydables.